Non, ce n’est toujours pas la “journée des femmes” !
(Pas plus que la “fête de la femme” ou toute autre semblant de célébration d’ailleurs)
De quoi parle-t-on : petit point d’histoire
Officialisée en 1977 par l’Organisation des Nations Unies, la journée du 8 mars est une journée d’action, de sensibilisation et de mobilisation dédiée à la lutte pour les droits des femmes, l’égalité et la justice. A cette occasion, plusieurs évènements et initiatives ont lieu un peu partout dans le monde pour réfléchir, échanger et se mobiliser pour l’égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi pour faire le point sur ce qui a été fait et ce qu’il reste à faire sur la question de la place des femmes dans la société. Et en la matière, on ne peut que constater au quotidien qu’il reste un travail titanesque à abattre… Chaque année, un thème précis est fixé par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et donne lieu à de nombreux débats et actions. Pour cette année, la journée s’inscrira dans le contexte du développement du numérique : “pour un monde digital inclusif : innovation et technologies pour l’égalité des sexes”.
Cette journée puise ses origines dans l’histoire des luttes ouvrières et des manifestations de femmes au XXème siècle en Amérique du Nord et en Europe. A partir de 1909, les Etats-Unis, sous l’impulsion de femmes socialistes américaines, décident d’organiser chaque année une “journée nationale des femmes” pour célébrer l’égalité des droits civiques (certainement pas pour se faire offrir des roses ou se faire dispenser de vaisselle). L’année d’après, une journaliste et militante allemande, Clara Zetkin, appelle les femmes socialistes de tous les pays à organiser chaque année une “journée internationale des femmes”. Elle sera célébrée dès 1911 en Autriche, Allemagne, Danemark et Suisse. En quelques années, le mouvement grandit et dépasse les frontières, mais il faudra attendre l’après Seconde Guerre Mondiale, pour que le 8 mars soit identifié et investi par de nombreux pays comme une journée d’engagement et de lutte. En France, il faudra patienter encore quelques bonnes années, puisque ce n’est qu’en 1982, sous l’impulsion de la ministre (une femme donc) déléguée aux droits des femmes, Yvette Roudy, que le 8 mars est reconnu officiellement comme Journée internationale des droits des femmes.
Inégalités, engagement et militantisme
Depuis quelques temps, de nouveaux élans féministes accompagnent et reconfigurent les contestations sociales aussi bien en France que dans le monde. On se mobilise pour les droits des femmes, mais aussi contre les inégalités sociales. On appelle à la grève féministe, celle qui vise à interrompre toute forme de travail, qu’il soit professionnel ou domestique. Ce mardi en France, les syndicats et associations féministes s’unissent, et la grève prévue, qui s’annonce historique, devrait prendre une ampleur inédite. En terme d’inégalités salariales par exemple, l’écart est encore de presque 17% entre hommes et femmes, à poste égal et compétences égales. Et même si le chiffre tend à baisser tranquillement, trop tranquillement, depuis les années 1970, les femmes sont toujours celles qui en pâtissent le plus. Temps partiels, enfants en bas-âge, accès réduit aux postes d’encadrement… voilà quelques facteurs qui accroissent les inégalités salariales dans notre pays. Les femmes occupent des emplois moins variés mais subissent en plus des inégalités hiérarchiques. Les mères, ont quant à elles, une probabilité inférieure de 60% à celles des pères pour accéder aux emplois les mieux rémunérés. Et pour une image autrement plus concrète : à 9h10 ce vendredi 4 novembre 2022, les femmes ont commencé à travailler gratuitement, jusqu’à la fin de l’année.
On a toujours autant de raisons d’être en colère.
Le rapport 2023 sur le sexisme en France est édifiant : non seulement il perdure, mais ses manifestations les plus violentes s’aggravent. En dépit d’une sensibilité toujours plus grande aux inégalités depuis Me Too, les clichés et les stéréotypes sexistes, générateurs d’inégalités, perdurent bel et bien. Parmi les hommes de 25 à 34 ans, près d’un quart estime qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter. Tous âges confondus, 40% trouvent tout à fait normal que les femmes arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants. Du côté des femmes, 80% estiment être moins bien traitées que les hommes en raison de leur genre, et 37% disent avoir déjà subi des rapports sexuels non consentis. Ce chiffre est évidemment bien en deçà de la réalité puisqu’il ne concerne que celles qui ont réussi à en parler. Début mars, on comptait déjà 24 féminicides depuis le début de l’année 2023. En moyenne, dans notre pays, une femme est tuée en raison de son genre par son conjoint ou son ex, tous les 2 jours. En 2021, le nombre de féminicides avait augmenté de 20% par rapport à l’année précédente.
Finalement, non : on n’a pas toujours autant de raisons d’être en colère. On en a encore plus. Parce qu’aujourd’hui on connaît le système, on l’étudie, on sait quantifier et repérer les inégalités. Parce que les dysfonctionnements, qu’ils soient privés ou publics, sont dénoncés.
Le 8 mars est un jour important, symboliquement, car il porte des valeurs et principes à l’international qui nous concernent toustes. C’est aussi l’occasion de mettre en avant les initiatives qui placent les femmes au cœur de la création ainsi que leur participation à la vie sociale, politique et économique. Pour autant, le fossé des violences et discriminations est tel, qu’il est urgent de s’informer, de se positionner, de s’engager. Individuellement et collectivement. Si le 8 mars est avant tout une journée de lutte, rappelons que la lutte contre les inégalités, c’est TOUS LES JOURS !!!